L'IAPV

 
Sources Chronologie

La controverse autour du virus IAPV (Israelite Acute Paralysis Virus) est particulièrement vive. Tout commence lorsque Ian Lipkin, un spécialiste renommé en épidémiologie moléculaire, découvre l'IAPV dans 24 colonies malades sur 25 et dans une seule des colonies témoins utilisées pour son expérience (1). S'ensuit une publication dans Science, le 12 octobre 2007, où Lipkin et ses collègues - dont Diana Cox-Foster, de l'Université de Pennsylvanie - écrivent (2) : « Un organisme, le virus israélien de la paralysie aigüe des abeilles, s'est avéré fortement corrélé au CCD. » A noter que les scientifiques américains ont utilisé des colonies importées d'Australie pour mener leurs expériences à bien... Ce détail a son importance pour la suite, d'autant plus qu'Ilan Sela, virologiste israélien, a trouvé que l'IAPV provient d'Australie (1). Par ailleurs, dans les laboratoires de l'Université de Jérusalem, des abeilles exposées à l'IAPV sont mortes en moyenne après 10 jours, et les larves infectées en 4 jours (3).


Une étude qui fait grand bruit

L'étude publiée par Diana Cox-Foster et al. dans Science engendre de vifs échanges entre l'équipe de cette dernière et les scientifiques australiens. Parmi ceux-ci, Denis Anderson et Iain J. East demandent, en février 2008, dans le même journal, que Cox-Foster et les cosignataires de l'étude retirent leurs affirmations liant le CCD aux importations d'abeilles australiennes (4). Et le quotidien The Australian cite les propos du ministre australien de l'Agriculture qui se plaint, estimant que des excuses devraient être présentées aux apiculteurs australiens (5). L'équipe américaine se contente toutefois de répondre que « des intérêts économiques ne devraient pas influencer la recherche » et ajoute que « les agents infectieux, y compris l'IAPV, ne respectent pas les frontières nationales. L'IAPV n'est pas confiné aux Etats-Unis ou à l'Australie. » (4)


Le scepticisme de l'USDA

Les scientifiques du Département d'Etat de l'agriculture (USDA), chapeautés par Jeffrey Pettis, qui a pourtant signé l'étude métagénomique sus-mentionnée, expriment des doutes, comme face à la découverte du microchampignon Nosema ceranae, et continuent leurs recherches. Judy Chen, virologiste de l'USDA, confie en octobre 2008 à Vincent Tardieu, à propos d'analyses d'échantillons congelés datant de 2002 à 2004 qu'elle a entreprises un an auparavant avec son collègue immunologiste Jay Evans (1) : « L'enjeu était que le Ministère de l'agriculture américain, sous la pression des apiculteurs et de sénateurs, étudiait depuis le printemps l'opportunité de décréter un embargo sur les importations d'abeilles australiennes, en raison du risque d'infection du cheptel américain avec l'IAPV. Et ils nous ont demandé une expertise pour valider ou pas cette décision. » Chen et Evans détectent l'IAPV dans tous les échantillons, dont ceux de 2002, ce qui indique une présence antérieure au début (officiel, diront certains (1)) des importations d'abeilles australiennes (6). Ils distinguent également plusieurs branches phylogénétiques différentes, et les divergences entre les différentes lignées ne permettent pas de reconstituer l'histoire évolutive de l'IAPV sur le territoire américain, selon Judy Chen (1).


Le mystère est loin d'être levé...

Michael Schacker, auteur du livre A Spring without Bees, cite les points faibles de la théorie qui voudrait que l'IAPV soit la cause du CCD :

  • les colonies australiennes contiennent l'IAPV mais n'ont pas été sujettes au CCD
  •  
  • l'IAPV a été détecté à la fois dans des ruches touchées par le CCD et dans des ruches saines
  • les symptômes liés à la présence de l'IAPV diffèrent de ceux associés au CCD, puisqu'on retrouve les cadavres des abeilles mortes à cause du virus devant les ruches

En 2009, Dennis vanEngelsdorp, Diana Cox-Foster et leurs collègues proposent une analyse descriptive du CCD et notent (8) : « Dans une étude précédente, en utilisant des sous-échantillons issus des mêmes colonies que pour cette étude, l'IAPV s'était révélé fortement corrélé au CCD. Ces résultats n'ont pas été retrouvés lors de cette étude étendue. » Et, plus loin (8) : « L'IAPV semble avoir des caractéristiques géographiques marquées et l'on peut s'attendre à ce que des enquêtes sur ce virus et d'autres virus pathogènes diffèrent selon les ruchers et les régions. »

Il leur reste encore du travail...


(1)  ↑ L'étrange silence des abeilles, enquête sur un déclin inquiétant, Vincent Tardieu, Ed. Belin, 2009.

(2)  ↑ A Metanogemic Survey of Microbes in Honey Bee Colony Collapse Disorder, D. L. Cox-Foster et al.,
          Science, vol. 318, 12.10.2007.

(3)  ↑ Isolation and characterization of Israeli acute paralysis virus, a dicistrovirus affecting honeybees in Israel:
          evidence for diversity due to intra- and interspecies recombination, E. Maori et al.,
          Journal of General Virology, (88, 3428-3438), 2007.

(4)  ↑ The Latest Buzz About Colony Collapse Disorder, D. Anderson, I. J. East, Science, vol. 319, 8.02.2008.

(5)  ↑ Bee acquittal stings journal, Leigh Dayton, The Australian, 21.11.2007.

(6)  ↑ Historical presence of Israeli Acute Paralysis Virus in the United States, Y. Chen et J. D. Evans,
          American Bee Journal, 12.2007.

(7)    A Spring without Bees, How Colony Collapse Disorder Has Endangered Our Food Supply,
          Michael Schacker, The Lyons Press, 2008.

(8)  ↑ Colony Collapse Disorder: A Descriptive Study, D. vanEngelsdorp, J. D. Evans, C. Saegerman, C. Mullin,
          E. Haubruge, et al., 2009, PLoS ONE 4(8): e6481.doi:10.1371/journal.pone.0006481.



chronologie virus
→ Vers la chronologie globale
 
2002 : Identification de l'IAPV par une équipe israélienne.
2005 : Premières importations - officielles - d'abeilles d'Australie aux Etats-Unis.
2007 : Isolation et caractérisation du génome de l'IAPV par une équipe de l'Université de Jérusalem. Les chercheurs remarquent que des abeilles exposées à l'IAPV sont mortes en moyenne après 10 jours, et les larves infectées en 4 jours.
21.11.2007 : Le quotidien The Australian cite les propos du ministre australien de l'Agriculture, qui estime que des excuses devraient être présentées aux apiculteurs australiens.
8.02.2008 : Denis Anderson et Iain J. East demandent, dans Science, que Cox-Foster et al. retirent leurs affirmations liant le CCD aux importations d'abeilles australiennes. L'équipe américaine se contente toutefois de répondre que « des intérêts économiques ne devraient pas influencer la recherche » et ajoute que « les agents infectieux, y compris l'IAPV, ne respectent pas les frontières nationales. L'IAPV n'est pas confiné aux Etats-Unis ou à l'Australie. »
12.10.2007 : Publication dans Science de l'étude métagénomique menée par Diana Cox-Foster et al., où l'on affirme que : « Le virus israélien de la paralysie aigüe des abeilles s'est avéré fortement corrélé au CCD. »
12.2007 : Chen et Evans détectent l'IAPV dans tous leurs échantillons, certains datant de 2002, ce qui indique une présence antérieure aux premières importations d'abeilles australiennes aux USA.
10.2008 : Judy Chen, virologiste de l'USDA, confie à Vincent Tardieu, à propos d'analyses d'échantillons congelés datant de 2002 à 2004 (1) : « L'enjeu était que le Ministère de l'agriculture américain, sous la pression des apiculteurs et de sénateurs, étudiait depuis le printemps l'opportunité de décréter un embargo sur les importations d'abeilles australiennes, en raison du risque d'infection du cheptel américain avec l'IAPV. Et ils nous ont demandé une expertise pour valider ou pas cette décision. »
08.2009 : Dennis vanEngelsdorp, Diana Cox-Foster et leurs collègues publient une analyse descriptive du CCD et notent : « Dans une étude précédente, en utilisant des sous-échantillons issus des mêmes colonies que pour cette étude, l'IAPV s'était révélé fortement corrélé au CCD. Ces résultats n'ont pas été retrouvés lors de cette étude étendue. (...) L'IAPV semble avoir des caractéristiques géographiques marquées et l'on peut s'attendre à ce que des enquêtes sur ce virus et d'autres virus pathogènes diffèrent selon les ruchers et les régions. »