La pollution électromagnétique

 
Sources Chronologie

Présents sur la Terre avant même l'apparition de la vie, les champs magnétiques et électriques ont joué un rôle déterminant dans l'évolution des espèces. De nombreux animaux utilisent ce rayonnement naturel afin de déterminer des lieux géographiques, des moments de la journée ou des conditions météorologiques. Les abeilles en particulier sont fortement influencées par ces champs (1).


La « danse des abeilles »

Dans les années 40, l'éthologiste allemand Karl von Frisch découvre et comprend la « danse des abeilles », moyen de communication utilisé par celles-ci pour localiser les sources de nourriture. Cette danse se base surtout sur la position du soleil, mais von Frisch a remarqué qu'elles utilisent aussi le champ magnétique pour se repérer en cas de temps couvert (2). En 1974, Les travaux effectués par les chercheurs russes Eskov et Sapozhnikov ont montré que les abeilles génèrent un signal électromagnétique dont la fréquence est comprise entre 180 et 250 Hz lorsqu'elles effectuent cette « danse » (3). Et les téléphones portables utilisent actuellement une fréquence de répétition de 217 Hz (4) ...

Suite à cela, une série d'études scientifiques a été effectuée afin de déterminer si les abeilles étaient ou non influencées par les ondes d'origine humaine. En 1976, le docteur en biologie allemand Ulrich Warnke a montré que des abeilles soumises à un fort champ électrique devenaient agressives au point de s'entretuer et essayaient par tous les moyens de s'échapper de la ruche (1). Durant la même année, Eskov et Sapozhnikov ont démontré qu'un signal de seulement 50 Hz suffisait à perturber une colonie entière. Or la fréquence de ce rayonnement électromagnétique est similaire à celle dégagée par les lignes à haute tension (3).

En 2003, le docteur professeur autrichien Ferdinand Ruzicka, lui-même apiculteur, a créé et distribué à d'autres apiculteurs un questionnaire sur l'effet de la présence d'émetteurs à proximité des ruches. En effet, il avait remarqué des changements significatifs dans le comportement de ses abeilles après qu'une série d'émetteurs a été installée à proximité. Les résultats, basés sur les réponses de vingt apiculteurs, ont montré que dans plus de 60% des cas des effondrements inexplicables des colonies ont été observés (5).

En 2005, un groupe de scientifiques de l'Université de Koblenz-Landau, en Allemagne, dirigé par les professeurs Stever et Kuhn, étudia les effets des téléphones portables sur les abeilles, en observant quatre ruches dont deux exposées à des ondes durant l'expérience. Selon leurs résultats, les couvains créés dans les ruches exposées étaient plus petits et leur création moins rapide que ceux des abeilles non exposées. Ils déposèrent ensuite les abeilles à une distance de 800m de leur ruche et analysèrent leur faculté à la retrouver. Une différence significative dans le temps de retour a été observée entre les abeilles « exposées » et les « non-exposées » (6).

Les ondes électromagnétiques préoccupent de plus en plus le monde apicole et ce un peu partout... Par exemple, en Espagne, Alfonso Balmori, biologiste, a écrit en 2006 que, au vu du grand nombre d'émetteurs sur le territoire, il serait nécessaire d'étudier les effets réels des ondes sur les abeilles, dans le but d'éviter des pertes économiques importantes chez les apiculteurs (7).


Les grands quotidiens s'en mêlent...

Le 15 avril 2007, le journal anglais The Independent publie un article relatant l'étude effectuée par Stever et Kuhn, présentant ainsi au grand public l'électromagnétisme comme l'une des causes possibles du CCD (8). De manière surprenante, le 22 avril de la même année, l'International Herald Tribune, quotidien américain dont le siège est en France, annonce la rétractation des deux professeurs. En effet, suite à la publication de l'article dans The Independant, publication dont ils n'avaient pas été avisés, de nombreux détracteurs se sont intéressés à cette expérience et ont démontré qu'elle avait été effectuée à trop petite échelle pour être significative (9). Le 24 avril, Marla Spivak, chercheuse spécialisée dans les abeilles à l'Université du Minesota, a rejeté la possibilité que les ondes électromagnétiques soient l'une des raisons de la disparition des abeilles, argumentant que cette information avait pris une trop grande ampleur sur internet, malgré son rejet par de nombreux chercheurs (10). Enfin, en juillet, le Service de recherche agricole américain réfute tout effet possible des ondes sur les abeilles, car « l'exposition des abeilles à des niveaux élevés de champs électromagnétiques est peu probable » (11).


... et les politiques aussi

Mais ces événements ont permis de rendre visible à plus grande échelle cette possible cause de disparition des abeilles. En effet, à l'exception d'un article paru dans le journal allemand Frankenpost en 2004, relatant l'histoire d'un apiculteur ayant perdu la totalité de ses ruches durant un hiver à cause, selon lui, du grand nombre d'antennes-relais à proximité (12), on ne trouvait avant 2007 que peu d'articles s'intéressant à ce sujet.

Le monde politique commence lui aussi à s'y intéresser. En 2006, déjà, le Ministère autrichien de l'environnement annonçait que les recherches scientifiques avaient montré que les ondes électromagnétiques avaient des effets négatifs sur les abeilles (13). En Angleterre, l'article paru dans The Independent a permis de relancer une étude du gouvernement anglais sur les ondes téléphoniques, étude qui aurait du être réalisée trois ans auparavant mais qui avait été annulée (14).

Côté suisse, Josef Zisyadis, conseiller national vaudois, a déposé le 2 octobre 2008 un postulat demandant au Conseil fédéral de présenter un rapport sur l'effet que pouvaient avoir les champs électromagnétiques sur la disparition des abeilles, postulat qui fut rejeté un mois plus tard. Même si l'augmentation constante des pertes d'abeilles durant l'hiver a été constatée, le Centre de recherches apicoles Agroscope Liebefeld-Posieux n'enquêtera pas sur le sujet (15) : « Il est peu probable que les champs électromagnétiques soient une des causes de ce phénomène et le coût d'essais sur le terrain en vue de vérifier cette hypothèse peu vraisemblable serait disproportionné. »

Pourtant, le nombre d'études prouvant les effets des ondes sur les abeilles ne fait qu'augmenter ; le chercheur indien Sahib Pattazhy a encore démontré en 2009 que lorsqu'une antenne téléphonique était disposée à proximité d'une ruche, les abeilles disparaissaient, abandonnant ainsi reine et couvain (16), tandis que le scientifique suisse Daniel Favre, lui-même apiculteur, montrait en 2010 qu'un téléphone portable disposé à proximité de la ruche faisait varier la fréquence et l'amplitude des sons produits par les abeilles (17)...

Reste que certains - les compagnies de télécommunication ? - n'ont probablement pas intérêt à ce que l'on prouve un quelconque effet des ondes électromagnétiques sur les butineuses.



(1)  ↑ DES ABEILLES, DES OISEAUX ET DES HOMMES, La destruction de la nature par l'« électrosmog »,
          Les effets de la téléphonie mobile et des techniques de communication sans fil
, Ulrich Warnke, 2007.

(2)  ↑ Le langage de la danse et l'orientation des abeilles [« Tanzsprache und Orientierung der Bienen »],
          Karl von Frisch, Berlin, Springer Verlag, 1965.

(3)  ↑ Mechanisms of generation and perception of electric fields by honey bees, Eskov, E. K. and Sapozhnikov,
          A. M., Biophysik 21(1976)6, 1097-1102.

(4)  ↑ Cahiers de notes documentaires, Hygiène et sécurité du travail, N°176, 3e trimestre 1999.

(5)  ↑ Schäden durch Elektrosmog, Ruzicka, F., Bienenwelt, 10/2003, 34-35.

(6)  ↑ Verhaltensänderung der Honigbiene Apis mellilfera unter elektromagnetischer Exposition, Stever H,
          Kimmel S, Harst W, Kuhn J, Otten C, Wunder B. Landau.

(7)  ↑ Efectos de las radiaciones electromagnéticas de la telefonía móvil sobre los insectos, A. Balmori, 2006.

(8)  ↑ Are mobile phones wiping out our bees?, Geoffrey Lean and Harriet Shawcross, The Independant,
          15 April 2007.

(9)  ↑ Case of the disappearing bees creates a buzz, Eric Sylvers, International Herald Tribune, 22 April 2007.

(10)  ↑ Continued: Why are the bees disappearing ?, Matt McKinney, Star Tribune, 24 April 2007.

(11)  ↑ USDA buzzing with new plan to fight collapse of bee colonies, Michael Doyle, McClatchy Newspapers,
            13 July 2007.

(12)  ↑ Trick soll Bienen vor Mobilfunk-Strahlen schützen, Werner Rost, Frankenpost, 15 März 2004.

(13)  ↑ Federal Minister Josef Pröll in his reply dated 27.4.2006 to the President of the National Council
            Dr. Andreas Khol, Parliament, Vienna.

(14)  ↑ Health concerns over mobile phone masts prompt review, Marie Woolf and Geoffrey Lean,
            The Independant,13 mai 2007.

(15)  ↑ Effets des champs électromagnétiques dans la disparition des abeilles, Josef Zisyadis,
            postulat déposé le 02.10.2008.

(16)  ↑ Mobile phone towers a threat to honey bees: Study, Sahib Pattazhy, 2009.

(17)  ↑ Mobile phone-induced honeybee worker piping, Daniel Favre, 2011.



chronologie ondes
→ Vers la chronologie globale
 
2003 : Ferdinand Ruzicka, docteur-professeur à la faculté médicale de Vienne et apiculteur lui aussi, questionne d'autres apiculteurs sur les incidences d'émetteurs électromagnétiques à proximité des ruches. Plus de 60% des sondés disent avoir subit des pertes inexplicables.
2005 : Un groupe de scientifiques allemands, dirigé par les professeurs Stever et Kuhn, étudient les effets des ondes des téléphones portables sur les abeilles. Leurs résultats montrent que les abeilles sont moins productives et qu'elles ont plus de mal à retrouver leur ruche lorsqu'elles sont exposées aux ondes.
04.2011 : Daniel Favre, biologiste suisse, publie une seconde étude sur les effets des ondes téléphoniques sur les abeilles.
2004 : Un article paraît dans le journal allemand Frankenpost, dans lequel un apiculteur accuse les antennes-relais d'être responsables de l'extinction de ses propres ruches.
2006 : Le Ministère de l'Environnement autrichien annonce que selon les dernières études, les ondes ont des effets négatifs sur les abeilles.
2006 : Alfonso Balmori, biologiste espagnol, écrit que des études sur les incidences réelles des ondes sur les abeilles sont nécessaires.
15.04.2007 : Parution dans le journal britannique « The Independant » de l'étude effectuée par Stever et son équipe.
22.04.2007 : Parution, dans l' « International Herald Tribune » de la rétractation de Stever et son équipe, suite aux critiques d'autres scientifiques sur la façon dont ils avaient mené leur étude.
24.04.2007 : Marla Spivak, chercheuse spécialisée dans les abeilles à l'Université du Minesota, rejette la possibilité que les ondes electromagnétiques soient l'une des raisons de la disparition des abeilles.
07.2007 : Le Service de Recherche Agricole américain rejette tout effet possible des ondes sur les abeilles, car «l'exposition des abeilles à des niveaux élevés de champs électromagnétiques est peu probable.».
10.2007 : Joseph Zisyadis, conseiller national vaudois, dépose un postulat qui demande au Conseil Fédéral suisse de présenter un rapport sur l'effet des ondes électromagnétiques sur les abeilles. Le postulat est rejeté un mois plus tard.
2008 : Sahib Pattazhy, chercheur indien, publie une étude sur les effets des antennes téléphoniques sur les abeilles. Elles auraient pour cause de faire fuir celles-ci des ruches, abandonnant reine et couvain.