L'exploitation intensive

 
Sources Chronologie

L'exploitation intensive est souvent montrée du doigt comme étant un facteur aggravant de la surmortalité des abeilles. Peu de personnes lui associent la responsabilité entière, ce qui explique probablement le fait que ni les agriculteurs ni les politiques ne semblent réagir. Certains problèmes sont pourtant bien démontrés.


Un commerce juteux

L'exploitation intensive concerne la monoculture ainsi que la transhumance des abeilles. En France, la transhumance reste marginale. Il est rare que les apiculteurs basent leur commerce sur la pollinisation. D'autant plus qu'il y a une certaine crainte liée aux pesticides utilisés sur les cultures (arbres fruitiers), comme le souligne Pascal Jourdan, de l'Association de développement apicole Adapi, à Vincent Tardieu dans  L'étrange silence des abeilles (1).

En ce qui concerne les Etats-Unis, c'est une autre histoire. Le marché de la transhumance met en jeu des sommes faramineuses. La contribution financière des abeilles a été estimée à près de 15 milliards de dollars par an (2). Les apiculteurs traversent le pays entier tout au long de l'année pour assurer la pollinisation de cultures gigantesques. Le prix de location d'une colonie s'élevait à 10 dollars en 1973, et a atteint 170 dollars en 2007 (1).


Un affaiblissement général

Leur exploitation à grande échelle peut s'avérer brutale pour les abeilles : déplacements constants, prélèvements de miel et de pollen conséquents, enfumage, traitements trop importants. Tous ces procédés ont pour conséquence d'affaiblir les colonies et d'épuiser les reines, réduisant ainsi leur espérance de vie (3). On constate donc un affaiblissement général des ruches qui peut leur être fatal. Plusieurs facteurs entrant en jeu, certains cherchent à déterminer lequel est mortel, tandis qu'une majorité de chercheurs s'accordent à accuser l'ensemble de la pratique.

Ruches devant amandiers










Inspection des ruches devant une plantation d'amandiers aux Etats-Unis. (8)


Problèmes d'alimentation

La transhumance aux Etats-Unis se déroule tout au long de l'année, ne laissant pas de répit aux pollinisatrices. Il faut donc que les abeilles soient opérationnelles au moment où elles devraient hiverner. A cette fin, elles sont gavées d'un mélange hyperprotéiné pour les doper (4). Mais ces compléments alimentaires ne sont jamais aussi riches que le pollen et le nectar. Pas aussi riches et, en plus, toxiques ? Après avoir remarqué une recrudescence de nosémoses (voir « Nosema ») et de diarrhées, les spécialistes se sont interrogés sur l'impact de la nutrition artificielle. Une étude de l'USDA (United States Department of Agriculture) menée en 2006 n'a pas réussi à conclure sur une relation de cause à effet entre l'alimentation artificielle et la mortalité des abeilles (1). Eric Mussen, de l'Université Davis, de Californie, a quant à lui trouvé dans les mélanges nutritifs de fortes teneurs d'hydroxymethylfurfural, toxique pour l'abeille (5). Pourtant, sans ces additifs, on remarque tout de même que le nombre d'abeilles baisse.


Voyages épuisants

En plus d'être maintenues en activité constamment, les colonies sont déplacées dans tous les Etats-Unis pour assurer la pollinisation. David Hackenberg, apiculteur américain, se vante de parcourir jusqu'à 20'000 km avec ses ruches chaque année (1). Pendant ces longs voyages, les abeilles souffrent de problèmes de ventilation et de régulation de température, les ruches se trouvant sous des bâches épaisses. Ces désagréments expliquent une perte « normale » à la fin du parcours. Par contre, Jürgen Tautz, du Centre de biologie de l'université bavaroise Julius Maximilian, affirme que les changements répétés de paysages perturbent le système de navigation des abeilles. Il leur faut du temps pour se repérer et mémoriser le paysage. En changeant trop souvent de lieu, ce travail doit être répété trop de fois, ce qui les perturbe et engendre des erreurs de trajectoire, des errements et l'épuisement (6).

Camion chargé de ruches










Au coucher de soleil le camion est chargé de ruches par une gerbeuse à fourche. (8)


Un nouveau problème soulevé par ces déplacement est le fait qu'avec les abeilles voyagent les parasites, les maladies et les virus. Ils se dispersent ainsi dans tout le pays.


Aucun changement en vue

Malgré toutes ces observations, aucun changement de comportement ne semble se profiler. Aux Etats-Unis, la tradition semble l'emporter, comme le dit David Hackenberg à Vincent Tardieu : « On les a toujours faits, ces voyages, et il n'y a jamais eu de problème ! » (1). Aux Etats-Unis comme en France, on accuse aussi la monoculture, qui offre une diversité de pollen très pauvre aux abeilles. Encore un facteur qui les affaiblit. En France, des initiatives de jachères apicoles avec des espèces butinées par les abeilles apparaissent. Leur succès est moindre car elles sont lancées par des entreprises telles que BASF, grande industrie chimique, ce qui rend sceptique plus d'un apiculteur (1). Axel Decourtye et son équipe de l'Assocation de coordination technique agricole (ACTA) soutiennent que la jachère doit prendre place dans les régions de grande culture (7). Il faut que l'abeille ait le choix entre plusieurs ressources pour éviter qu'elle s'affaiblisse. Mais les autorités politiques ne semblent pas intéressées et soutiennent mollement ces initiatives...



(1)  ↑ L'étrange silence des abeilles, enquête sur un déclin inquiétant, Vincent Tardieu, Ed. Belin, 2009.

(2)  ↑ La disparition des abeilles: enquête, Site tiré du Ministère de l'enseignement, 13.04.2011.

(3)  ↑ La disparition des abeilles : enquête, Sciences.gouv.fr, Le Portail de la Science.

(4)  ↑ The Sacramento Bee, Agnew S., 13.09.2008.

(5)  ↑ High quality bee products are important to agriculture: why, and what needs to be done, P. G. Kevan et
          al., Journal of Apicultural Research, 2007, 46, 59-64.

(6)  ↑ Number-Based Visual Generalisation in the Honeybee, H.J. Gross, M. Pahl, A. Si, H. Zhu, J. Tautz, S.W.
          Zhang, Plos One, 2009, 4, e4263.

(7)  ↑ Introduction de jachères florales en zones de grandes cultures : comment mieux concilier agriculture,
          biodiversité et apiculture ?, A. Decourtye et al., Courrier de l'environnement de l'INRA, 2007, n°54.

(8)    The Bee Photographer, Eric Tourneret



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→ Vers la chronologie globale
 
2006 : Rapport de l'USDA (United States Department of Agriculture) qui n'a pas réussi à prouver une relation de cause à effets entre la nutrition artificielle et la mortalité des abeilles.
2007 : Etude de Jürgen Tautz du Centre de biologie de l'université bavaroise Julius Maximilian, qui trouve que les changements répétés de paysages perturbent le système de navigation des abeilles.
2007 : Lancement d'une initiative pour la création de jachère par BASF.
2007 : Etude des bienfaits de la jachère sur les grandes cultures par Axel Decourtye de l'Assocation de coordination technique agricole (ACTA).
2007 : Rapport d'Eric Mussen de l'université Davis de Californie qui a trouvé dans les mélanges nutritifs de fortes teneurs d'hydroxymethylfurfural, toxique pour l'abeille.